En Haïti, les droits politiques des femmes sont le résultat de combats de longue haleine menés par des pionnières qui, à chaque étape, ont exigé et obtenu plus de participation des femmes dans les décisions politiques.
Le 3 mars 1934, la Ligue Féminine d’Action Sociale est créée et se voit, deux mois plus tard, frappée d’une interdiction de fonctionner. Il faudra attendre 1941 pour qu’elle puisse reprendre officiellement ses activités, après qu’elle ait changé son programme jugé trop subversif. Dans ses statuts, la Ligue s’était donnée pour but de :
a) contribuer à l’amélioration physique, intellectuelle et morale de la femme haïtienne pour la rendre consciente de ses devoirs sociaux;
b) résoudre les problèmes concernant le protection de l’enfant;
c) faire reconnaître l’égalité civile et politique de l’haïtienne.
Ces objectifs seront revus par le comité de direction – composé de Madeleine Sylvain, Alice Garoute, Fernande Bellegarde, Olga Gordon, Thérèse Hudicourt, Marie Corvington, Alice Téligny-Mathon, Esther Dartigue, Maud Turian et Georgette Justin – pour être plus acceptables aux yeux du gouvernement, tout en ne cédant rien. L’objectif de la Ligue en devint: l’amélioration physique, économique et sociale de la femme haïtienne.
1934: La LFAS
En 1934, l’avocate Madeleine Sylvain-Bouchereau fonde la première association féministe haïtienne: Ligue Féminine d’Action Sociale [LFAS]. MSB vient d’une consorie de pionnières. Ses deux soeurs, Suzanne Comhaire-Sylvain et Yvonne Sylvain sont, respectivement, la première femme médecin et la première anthropologue.
Le 3 mars 1934, la Ligue Féminine d’Action Sociale est créée et se voit, deux mois plus tard, frappée d’une interdiction de fonctionner. Il faudra attendre 1941 pour qu’elle puisse reprendre officiellement ses activités, après qu’elle ait changé son programme jugé trop subversif. Dans ses statuts, la Ligue s’était donnée pour but de :
a) contribuer à l’amélioration physique, intellectuelle et morale de la femme haïtienne pour la rendre consciente de ses devoirs sociaux;
b) résoudre les problèmes concernant le protection de l’enfant;
c) faire reconnaître l’égalité civile et politique de l’haïtienne.
Ces objectifs seront revus par le comité de direction – composé de Madeleine Sylvain, Alice Garoute, Fernande Bellegarde, Olga Gordon, Thérèse Hudicourt, Marie Corvington, Alice Téligny-Mathon, Esther Dartigue, Maud Turian et Georgette Justin – pour être plus acceptables aux yeux du gouvernement, tout en ne cédant rien. L’objectif de la Ligue en devint: l’amélioration physique, économique et sociale de la femme haïtienne.
Bien qu’interdite, la LFAS a continué à se développer – lancement du journal La Voix des Femmes en 1935 – et à créer des filiales à travers le pays: Port-de-Paix (février 1935 / Mme Colbert Saint-Cyr, présidente), Saint-Marc (septembre 1935 / Mme Jérome Adé, présidente), Les Cayes (octobre 1936 / Mme Albert Stacco, présidente), Jacmel (1937 / Emmeline Carries-Lemaire), Pétionville, Léogane, Gonaïves, Cap-Haïtien … En 1941, la venue d’un nouveau président de la République voit le retour officiel de la Ligue puis, curiosité de l’Histoire, le droit pour la femme haïtienne de se faire élire Députée ou Sénatrice, mais pas de voter.
Le législateur haïtien voulait bien admettre que des femmes puissent être de qualité mais pas à laisser à la masse des femmes décider de l’orientation à donner à la nation. Les femmes pouvaient donc se porter candidates au Parlement mais ce serait aux hommes de décider de leur mérite.
Sans surprise, ces articles ne virent aucune femme être candidate et encore moins élue.
1944: Le droit d’être candidate
Sous la présidence d’Élie Lescot, la femme haïtienne se voit reconnaître le droit d’être candidate à des postes électifs. Les articles 16 et 17 de la Constitution précisent que “la femme haïtienne âgée de 30 ans accomplis peut être membre de la Chambre des Députés [ou] du Sénat”. Elle n’a toutefois pas le droit de voter car de l’aveu du Président, «[i]l ne serait pas sage de conférer actuellement à la femme haïtienne le droit prééminent de suffrage ».
Bien qu’interdite, la LFAS a continué à se développer – lancement du journal La Voix des Femmes en 1935 – et à créer des filiales à travers le pays: Port-de-Paix (février 1935 / Mme Colbert Saint-Cyr, présidente), Saint-Marc (septembre 1935 / Mme Jérome Adé, présidente), Les Cayes (octobre 1936 / Mme Albert Stacco, présidente), Jacmel (1937 / Emmeline Carries-Lemaire), Pétionville, Léogane, Gonaïves, Cap-Haïtien … En 1941, la venue d’un nouveau président de la République voit le retour officiel de la Ligue puis, curiosité de l’Histoire, le droit pour la femme haïtienne de se faire élire Députée ou Sénatrice, mais pas de voter.
Le législateur haïtien voulait bien admettre que des femmes puissent être de qualité mais pas à laisser à la masse des femmes décider de l’orientation à donner à la nation. Les femmes pouvaient donc se porter candidates au Parlement mais ce serait aux hommes de décider de leur mérite.
Sans surprise, ces articles ne virent aucune femme être candidate et encore moins élue.
Les activités de la LFAS continuent son expansion avec l’organisation du premier Congrès national des femmes haïtiennes qui réunit 44 associations féminines haïtiennes et 32 déléguées de 17 organisations étrangères et internationales. Sous la présidence de la Première Dame, Mme Lucienne Heurtelou-Estimé, le Congrès se place dans le cadre des activités de l’Exposition internationale du Bicentenaire de Port-au-Prince, en avril 1950; rendant le mouvement officiellement respectable. 1950 est aussi l’année où le droit de vote – avec quelques restrictions; il est entendu que celui-ci doit s’aligner sur celui du mari – est reconnu aux femmes.
Le 25 janvier 1957, les droits politiques de la femme, candidate et électrice, sont reconnus. La même année, l’arrivée au pouvoir de François “Papa Doc” Duvalier la privera de l’exercice de cette reconnaissance acquise pourtant de haute lutte.
1957: Le droit de vote
En 1950, la femme haïtienne se voit reconnaître le droit de vote; présidentielles exceptées. La loi du 25 janvier 1957 lui reconnait le droit de vote sans restrictions aucune … mais c’était sans compter la venue, la même année, de la dictature.
Les activités de la LFAS continuent son expansion avec l’organisation du premier Congrès national des femmes haïtiennes qui réunit 44 associations féminines haïtiennes et 32 déléguées de 17 organisations étrangères et internationales. Sous la présidence de la Première Dame, Mme Lucienne Heurtelou-Estimé, le Congrès se place dans le cadre des activités de l’Exposition internationale du Bicentenaire de Port-au-Prince, en avril 1950; rendant le mouvement officiellement respectable. 1950 est aussi l’année où le droit de vote – avec quelques restrictions; il est entendu que celui-ci doit s’aligner sur celui du mari – est reconnu aux femmes.
Le 25 janvier 1957, les droits politiques de la femme, candidate et électrice, sont reconnus. La même année, l’arrivée au pouvoir de François “Papa Doc” Duvalier la privera de l’exercice de cette reconnaissance acquise pourtant de haute lutte.
La dictature des Duvalier voit le retour en force de la répression des revendications féministes et contraint les militantes à la clandestinité. C’est une période de violations systématiques des droits humains et les droits de la femme qui commençaient à peine à être reconnus sont parmi les premiers à disparaitre; des militantes féministes seront parmi les premières victimes de la dictature.
Le 7 février 1986, plus que la chute des Duvalier, marque les débuts de la démocratisation. Enfin, la femme haïtienne aura son mot à dire dans la destinée du pays. Désormais, elle pourra voter, être élue et occuper les plus hautes fonctions de la République, sans restriction aucune.
1986: la marche des femmes
Le 3 avril 1986, 30 000 femmes répondent à l’invitation de militantes haïtiennes décidées à marquer l’importance de la participation des femmes dans l’après-Duvalier. En 1996, cette date deviendra celle de la Journée nationale du mouvement des femmes en Haïti.
La dictature des Duvalier voit le retour en force de la répression des revendications féministes et contraint les militantes à la clandestinité. C’est une période de violations systématiques des droits humains et les droits de la femme qui commençaient à peine à être reconnus sont parmi les premiers à disparaitre; des militantes féministes seront parmi les premières victimes de la dictature.
Le 7 février 1986, plus que la chute des Duvalier, marque les débuts de la démocratisation. Enfin, la femme haïtienne aura son mot à dire dans la destinée du pays. Désormais, elle pourra voter, être élue et occuper les plus hautes fonctions de la République, sans restriction aucune.
La première femme haïtienne élue Sénatrice est aussi la première candidate à la présidence à atteindre le second tour. Constitutionnaliste, professeure, écrivain, cheffe de parti, Mirlande Manigat a consacré sa vie à la politique, sa pratique, son étude et son enseignement. Dans un climat politique tendu et aux divisions profondes, elle est une figure respectée de tous les acteurs et dont les qualités sont universellement reconnues.
Mirlande Hyppolite Manigat est une femme dont la carrière a marqué et continue marquer la politique haïtienne. Elle a été la première femme politique à accepter d’en parler à la campagne Fòk Yo La et ainsi partager son expérience. Elle sera, en outre, l’invitée d’honneur du cycle de conférences sur la participation politique des femmes prévu pour la fin du mois d’août 2021.
1988: Mirlande Manigat est élue Sénatrice
En 1988, le rêve de Madeleine Sylvain-Bouchereau se réalise. Trente ans après que celle-ci se soit portée candidate au Sénat de l’Ouest, en 1957, la politiste Mirlande Manigat, est élue Sénatrice, alors que son mari, Leslie François Manigat accédait à la Présidence.
La première femme haïtienne élue Sénatrice est aussi la première candidate à la présidence à atteindre le second tour. Constitutionnaliste, professeure, écrivain, cheffe de parti, Mirlande Manigat a consacré sa vie à la politique, sa pratique, son étude et son enseignement. Dans un climat politique tendu et aux divisions profondes, elle est une figure respectée de tous les acteurs et dont les qualités sont universellement reconnues.
Mirlande Hyppolite Manigat est une femme dont la carrière a marqué et continue marquer la politique haïtienne. Elle a été la première femme politique à accepter d’en parler à la campagne Fòk Yo La et ainsi partager son expérience. Elle sera, en outre, l’invitée d’honneur du cycle de conférences sur la participation politique des femmes prévu pour la fin du mois d’août 2021.
La carrière de Mirlande Manigat n’a pas été de tout repos. Quelques 6 mois après son élection en tant que Sénatrice de la République, elle devra de nouveau partir en exil, avec son mari, destitué par un coup d’État militaire. Le général Henri Namphy qui dirigeait le pays avant les élections décida de reprendre le pouvoir, 4 mois après l’investiture de Leslie Manigat. Namphy sera à son tour victime d’un coup d’État du général Prosper Avril qui sera contraint, lui aussi, à l’exil. Pendant 3 jours, la présidence est assumée par le général Hérard Abraham qui le remettra à une femme, juge à la Cour de Cassation: Ertha Pascal-Trouillot.
Ertha Pascal-Trouillot aura la charge d’organiser les élections de 1990 – généralement reconnues comme étant les seules à être véritablement démocratiques depuis le début de l’ère démocratique en Haïti. Ces élections sont remportées à 67% par Jean-Bertrand Aristide à qui elle passera le pouvoir le 7 février 1991.
1990: Ertha Pascal-Trouillot est nommée Présidente provisoire
Lorsque des manifestations de rue contraignirent le général Prosper Avril à quitter le pouvoir, une “Assemblée de concertation” convient de remettre le pouvoir à une autorité civile dirigée par une personnalité indépendante. Ertha Pascal-Trouillot devint la première femme présidente de la République – à titre provisoire – de mars 1990 au 7 février 1991.
La carrière de Mirlande Manigat n’a pas été de tout repos. Quelques 6 mois après son élection en tant que Sénatrice de la République, elle devra de nouveau partir en exil, avec son mari, destitué par un coup d’État militaire. Le général Henri Namphy qui dirigeait le pays avant les élections décida de reprendre le pouvoir, 4 mois après l’investiture de Leslie Manigat. Namphy sera à son tour victime d’un coup d’État du général Prosper Avril qui sera contraint, lui aussi, à l’exil. Pendant 3 jours, la présidence est assumée par le général Hérard Abraham qui le remettra à une femme, juge à la Cour de Cassation: Ertha Pascal-Trouillot.
Ertha Pascal-Trouillot aura la charge d’organiser les élections de 1990 – généralement reconnues comme étant les seules à être véritablement démocratiques depuis le début de l’ère démocratique en Haïti. Ces élections sont remportées à 67% par Jean-Bertrand Aristide à qui elle passera le pouvoir le 7 février 1991.
Claudette Antoine Werleigh est la troisième Premier Ministre du Président Jean-Bertrand Aristide. Ancienne Ministre des Affaires Sociales d’Ertha Pascale Trouillot, elle sera, à deux reprises, sa Ministre des Affaires étrangères et des Cultes avant de devenir sa Première Ministre.
Le 5 septembre 2008 Michèle Duvivier Pierre-Louis deviendra la deuxième femme à accéder à la fonction de Premier Ministre, sous la présidence de René Préval. Elle occupera ce poste pendant 1 an, 2 mois et 6 jours.
Deux premiers ministres sur vingt-trois depuis que le poste existe, c’est peu, mais il s’agit, tout comme pour la Présidence (1 sur 54) ou le Parlement (3% pour la dernière Législature), de barrières déjà franchies et donc d’espaces à conquérir.
1995: Claudette Werleigh est nommée Première Ministre
Le 7 novembre 1995, Jean-Bertrand Aristide nomme Claudette Antoine Werleigh à la Primature. C’est la première femme à occuper cette fonction en Haïti. Elle y restera 3 mois et 26 jours.
Claudette Antoine Werleigh est la troisième Premier Ministre du Président Jean-Bertrand Aristide. Ancienne Ministre des Affaires Sociales d’Ertha Pascale Trouillot, elle sera, à deux reprises, sa Ministre des Affaires étrangères et des Cultes avant de devenir sa Première Ministre.
Le 5 septembre 2008 Michèle Duvivier Pierre-Louis deviendra la deuxième femme à accéder à la fonction de Premier Ministre, sous la présidence de René Préval. Elle occupera ce poste pendant 1 an, 2 mois et 6 jours.
Deux premiers ministres sur vingt-trois depuis que le poste existe, c’est peu, mais il s’agit, tout comme pour la Présidence (1 sur 54) ou le Parlement (3% pour la dernière Législature), de barrières déjà franchies et donc d’espaces à conquérir.
Les obstacles à la parité en matière politique en Haïti sont surtout de l’ordre socio-culturel. Il est certains comportements, croyances, attitudes et autres styles de vie qui maintiennent la femme haïtienne en dehors de la sphère politique.
Depuis son lancement, le 20 mai 2021, la campagne Fòk Yo La invite à des changements d’attitude susceptibles d’avoir un impact positif sur la participation et l’intégration des femmes en politique. Suivez la campagne en ligne, à la radio et sur les réseaux sociaux. Lancez des débats chez vous, dans le quartier, au travail, à l’école, à l’église.
Une démocratie véritable exige que ses citoyen.ne.s soient tout.e.s représenté.e.s. Le changement commence ici.
Aujourd’hui: À nous de jouer !
Depuis 1934 et même avant, des femmes se sont battues – et ont été battues, emprisonnées, tuées – pour la reconnaissance des droits politiques de la femme haïtienne. Cette reconnaissance acquise, il s’agit de la rendre effective en travaillant activement à la parité.
Les obstacles à la parité en matière politique en Haïti sont surtout de l’ordre socio-culturel. Il est certains comportements, croyances, attitudes et autres styles de vie qui maintiennent la femme haïtienne en dehors de la sphère politique.
Depuis son lancement, le 20 mai 2021, la campagne Fòk Yo La invite à des changements d’attitude susceptibles d’avoir un impact positif sur la participation et l’intégration des femmes en politique. Suivez la campagne en ligne, à la radio et sur les réseaux sociaux. Lancez des débats chez vous, dans le quartier, au travail, à l’école, à l’église.
Une démocratie véritable exige que ses citoyen.ne.s soient tout.e.s représenté.e.s. Le changement commence ici.
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